Irlande – pêche au saumon !

Comme tout passionné de pêche en Bretagne, je recherche le Graal : le saumon. Le saumon est ma vie. J’ai consacré au moins la moitié de celle-ci à ce poisson hors normes. J’habite 2 endroits : ma Bretagne natale, et mon second pays : l’Irlande. Je vis dans ces 2 pays parce que je suis fou de cette pêche.  Je prends mes vacances en dehors de la saison de pêche au saumon, parce que je ne peux pas rater un jour de bonnes conditions. Mon emploi du temps est lié à ce poisson. Je le défends tant que je peux, je regarde les niveaux des rivières presque tous les jours, même hors saison. Je vis « saumon », dors « saumon », mange « saumon » même si je suis de l’autre côté de la planète. Je suis ce qu’on appelle un « passionné ». Seule ma famille et mes autres passions – les livres, et la musique – peuvent me faire rater quelques jours de pêche. Mais je reviens toujours au bord des rivières, même l’hiver, je ne peux pas m’en passer.

Il est vrai que ma Bretagne a de moins en moins de saumon, mais tant qu’il y en a quelques-uns, personne ne m’interdira de les pêcher, foi de Bretons !

Et il y a l’Irlande, sujet de l’article…

Retour vers le passé : comme tout pêcheur débutant en Irlande, il y a 14 ans de ça, je suis allé sur la Moy… j’ai été assez déçu, même s’il m’arrive encore d’y guider parfois… Ma première demi-journée là-bas, j’ai pris 2 saumons : 7 lbs et 3 lbs. Oui, il y a du saumon, et puisque je le pêche depuis mes 8 ans, j’en ai pris ce jour là, alors que les conditions étaient moyennes. Mais passez-moi le terme : qu’est-ce que c’est moche comme rivière… Tout le contraire de ce que j’aime (mise à part la densité de fish) : une rivière remembrée, avec un talus très dur à marcher, quasi pas de montagne à part au bord du lac, peu de nature, une densité de pêcheurs folle qui ressemble aux Gaves, parait-il … Mais du fish, ça oui.

Il y a 14 ans, sur la Moy en Irlande, mon premier voyage là bas !

Puis, durant ce premier voyage, je me suis naturellement tourné vers le Connemara. Oui, on ne se refait pas, à cause de ma langue maternelle française et de Michel… Et j’ai passé ma journée à pêcher, sans rien prendre. Mais il y avait du poisson. Par contre, on a l’impression d’être une « vache à lait », prix prohibitif avec sélections des pêcheurs et cloisonnement, pas beaucoup de rivières, ne permettant pas de prendre vraiment du plaisir. Les paysages sont chouettes, mais ce n’est pas grand et c’est fly only… alors que moi, j’aime d’une journée à l’autre, passer du lancer à la mouche ou vice versa et changer de rivière si j’ai envie. Je comprends que cela plaise à certaines personnes, mais je ne me sens pas libre, bref, ce n’est pas mon truc !

Et puis, quelques jours après, j’ai découvert le Kerry. Alors là, je n’ai pas compris. Pourquoi n’est-ce pas connu en France ? Un coin de paradis incroyable, ou il pleut régulièrement. Des montagnes partout, les plus grandes d’Irlande, qui se jettent directement dans la mer. Des rivières partout aussi. Une bonne, voire très bonne densité de saumon, des truites en pagaille, et une grosse densité de fish en mer. Il ne m’a fallu que quelques jours pour me dire que j’allais devenir guide de pêche, et ici serait ma seconde maison !

Tout simplement, le paradis du pêcheur de saumon !

Je suis depuis maintenant 11 saisons guide là-bas, et je suis heureux. 

Retour sur ma saison 2023 en Irlande. D’habitude, je fais le voyage en juillet/aout/septembre, parfois au mois de mai aussi. Pour des histoires personnelles, je ne pars que mi-aout et septembre cette année. Ce ne sera pas le cas en 2024, où j’y serais tout l’été.  

Cette année, j’ai pêché sept jours, 27 heures en tout. Cela fait un peu moins de 4 h de pêche par jour. Je ne pêche plus le saumon comme quand j’étais enfant : 10 h par jour minimum. À présent, j’aime profiter, et surtout, je pêche très efficacement. J’ai tenu 10 saumons pendant ces sept jours de pêche, pris 6, et décroché 4. Je ne compte pas les centaines de truites et de finnocks bien sûr que j’ai prise. J’ai pris aux 2 méthodes : mouche et lancer. Je ne pêche pas aux vers, mais c’est aussi possible chez moi. 

Les petites rivières abritent aussi des saumons, et sur celle là, de très grosses truites de mer également !

Alors que dans la plus grande partie du monde, les résultats, en nombre de prises, se sont avérés faibles, voire très faibles en 2023 (Islande, Canada, Écosse et même la Moy en Irlande…), le Kerry s’en est très bien sorti. Je pense que c’est, en grande partie lié, aux milliers de tacons qu’il y a dans les rivières, encore actuellement. Sans parler, bien sûr, de la quasi non-utilisation de pesticides, et d’une agriculture encore raisonnable. J’ai rencontré quelques pêcheurs sur la rivière la plus connue pendant que je guidais, qui avait pris cet été des poissons de + de 15 livres, et plusieurs qui ont pris entre 3 et 5 saumons en une journée de pêche, et ça, dans plusieurs rivières différentes suivant les uns et les autres !

Aaahhh, le Kerry …

Ah, j’oubliais, combien de pêcheurs ai-je croisés aux bords de l’eau en 7 jours ? Ça en surprendra plus d’un : zéro. Oui, le Kerry est un paradis pour pêcheur et j’ai des endroits où je suis tout seul, sur toute la rivière ! J’ai des clients qui me demandent souvent : tu es sûr que c’est ouvert à la pêche ? Je réponds : « oui pourquoi ? » avec un grand sourire… « Eh bien, il n’y a pas un pêcheur, c’est étrange quand même ». Par contre, il y a des gardes, ils ne sont pas là comme en France pour rigoler. Mais malgré tout, très sympathiques quand tu es dans les clous ! Le Kerry est mon paradis, et guider est la manière que j’ai trouvée pour la partager.

Bien sûr, de nombreuses personnes viennent sans guide ici… Et si on n’est pas pêcheur, c’est déjà incroyable. Il faut venir pour le croire : la lumière, les paysages, les gens surprenant de gentillesse et… la liberté ! Mais quand on pêche, on se retrouve vite avec pleins de questions : comment fait-on pour trouver un permis, comment fait-on pour avoir le droit de pêcher ? Quels sont les leurres/mouches que j’ai le droit d’utiliser et qui prennent ici… Je n’ai qu’une idée à vous soumettre : ne cherchez pas, vous êtes en vacances et ne vous cassez pas la tête : prenez un guide ! 

Je ne peux vous quitter sans une histoire de pêche de 2023, pour finir cet article. Je suis dans le Kerry, en Irlande, sur une des 7 rivières où je guide. J’ai décidé de prendre 2 saumons aujourd’hui. Le challenge commence là ! Tout pêcheur de saumon, sait que c’est très difficile de partir avec un objectif. Déjà toucher un poisson en quelques heures, c’est bien. En plus, les conditions sont moyennes. Mais ce n’est pas grave, j’ai confiance en moi : l’expérience de milliers d’heures au bord de l’eau à la recherche de salmo salar.  Aujourd’hui, pas de mouche. J’ai décroché un gros saumon il y a 2 jours, à la mouche, et je me dis que je pourrais peut-être le prendre au lancer.

Aparté et histoire sur ce saumon que j’ai perdu : j’arrive en milieu de pool. Je n’ai jamais rien pris dans celui-ci. Il est en effet très pêché par un habitant, au moins une fois par semaine, ce qui est beaucoup ici. Enfin, je ne le sens jamais. Je prends ma dizaine de truites avant d’arriver au milieu du pool qui forme un léger virage à droite. Je reste attentif, ce qui est dur quand il y a autant de poisson. C’est paradoxal, mais quand je pêche le saumon, je n’aime pas voir autant de truites intéressées par ma mouche. C’est bon signe pour la mouche, mais ça fait rater des saumons par inattention. J’arrive sur ce que je suppose le « hot spot ». Bien marqué par un rocher rond en granit.

 La magie arrive, et je sais immédiatement que c’est un saumon : je sens une belle tirée, prend ma soie, et lève la canne. Il est au bout, remonte le courant sûr de lui. Je sais déjà que ça fait plus de 6 livres alors que je ne l’ai pas vu. Je rembobine tant bien que mal. Il vient à ma hauteur. Le combat continue, et il plonge beaucoup dans la fosse à mes pieds. Je gagne 5 m, et il les regagne systématiquement. Je pense que j’ai mon record. Depuis le départ, il fait trembler ma canne à mouche avec ces coups de tête. Souvent synonyme d’un gros saumon. Et puis, il sort de la fosse, me fait un grand rush, et se décroche. Je finirais donc la journée avec la deuxième bredouille de ma saison en Irlande, mais content d’avoir leurré un beau poisson. Le plus frustrant, est que durant ces deux minutes, je n’ai pas vu le poisson. Je ne sais pas sa taille, ni s’il était aussi gros que dans mes rêves…

Est ce un poisson aussi beau que j’ai perdu ? Ce jour là, je pêcherai 1h30 en tout, et en prendrait un autre de 4 lbs !

Revenons à ma partie de pêche au lancer, 2 jours après. Je reviens sur ce pool, le pêche méthodiquement. Mais ne prends pas la touche espérée. Tout simplement n’est-il plus là, ou il n’a pas envie de prendre un leurre de quelques centimètres, alors que ma mouche en faisait à peine 2… Ce n’est pas grave, il y a d’autres pools, et d’autres saumons… j’espère mordeurs.

Je traverse la rivière facilement, et me retrouve sur le pool plus bas. J’ai fait monter un saumon à la mouche la dernière fois, mais il n’a pas pris. Je pêche le début du pool, et je me dis : c’est là qu’était le poisson. Et je sens, pile au moment où je passe, que le poisson prend. Il me détend le fil, et fait immédiatement le mouvement « machine à laver » que le pêcheur de truite de mer connait bien. C’est plus rare au saumon, surtout dès le début. Et il se décroche ! Rhhaaa, la journée ne se déroule pas comme prévu, et celui-ci était beau, je l’ai bien vu. Je l’estime à 7 livres.

J’attends quelques minutes, puis repasse. Rien. Je vais vers la fin du pool, rentre un peu dans l’eau. Le but de la manœuvre est de laisser mon leurre, le plus longtemps dans la bonne coulée d’eau. Et je ressens un vide. Bim, en quelques mètres, j’ai encore un saumon. Celui-ci ne se décroche pas, vend chèrement sa peau. Quel combat, il est pourtant petit, seulement un peu plus de 4 livres. 

L’eau est couleur tourbe, une belle eau pour prendre des saumons !

Je l’échoue doucement. Je décide de ne pas le garder, et pense à mon ami du Kerry qui m’a dit que ce serait chouette d’en garder un pour manger. Ils sont toute une famille, et sont tout simplement « géniaux ». Et un bébé vient de naitre, ce serait sympa de le baptiser avec un saumon ! Mais je ne lui ai rien promis, et j’ai envie de le relâcher. 

Je l’oxygène une minute, puis il repart tranquillement dans son trou.

Et de 1, je suis aux anges. Il me reste trois pools sur cette partie de rivière. Je descends le premier pool. Je ne touche rien. Puis le second, prend encore quelques truites. J’arrive en face d’un arbre, lance mon leurre et le laisse descendre dans la bonne couche d’eau. Rien. Et je me dis que la semaine dernière, j’ai vu en surface 2/3 saumons marsouiner, et qu’aucun d’entre eux ne voulait une mouche ou un leurre. Du coup, je relance au même endroit, mais en ramenant immédiatement. Je fais un quart de tour de manivelle, et là, grosse touche ! Très rare au saumon au leurre, me voilà pendu et surpris ! Mon leurre était dans moins de 10 cm d’eau, alors que le trou fait 2 m50 de profondeur. S’ensuit un combat avec plusieurs sauts. Il fait presque 5 livres à vue d’œil.

Je l’échoue également, et je suis à ce moment-là, l’homme le plus heureux au monde ! J’ai déjà pris plusieurs doublés, voire plus en 1 journée. Mais jamais en me réveillant le matin et en me fixant comme objectif d’en prendre au moins 2 dans la journée.

Pour cette magnifique histoire, je ne peux rien faire d’autre que de le relâcher aussi !

Sur la route du retour, je prendrais des fleurs pour l’amie qui vient d’accoucher. J’ai une histoire à raconter à cette famille, et des fleurs à offrir, mais pas de saumon à manger ce coup-ci ! Ce sera pour une prochaine fois !

Ma plus belle photo de 2023 ?

Étiquettes :