Une histoire de pêche au saumon en France !

Commençons par narrer comment je me suis mis au saumon. Comme tout breton pêcheur, j’ai entendu des dizaines d’histoires de pêche au saumon dans mon enfance, puis m’y intéressant encore plus, des centaines de celle-ci pendant mon adolescence. Et j’ai rapidement voulu moi aussi faire partie de ces « contes bretons » que l’on se transmet à l’oral. À chaque ouverture de la pêche, on se réunissait entre amis pour pouvoir partager ces histoires souvent homériques. Chaque saumon de pris, ou même de raté est une histoire, parce que salmo salar est rare, et précieux. C’est probablement avec le loup, notre patrimoine vivant le plus important, à nous les bretons ! Chaque pêcheur à ses rivières préférées, et chaque histoire découle d’une rivière. Pour moi, depuis mon enfance – et je ne vous apprendrais rien – cette rivière préférée est le Léguer. Qu’est-ce qu’elle est belle, en ce moment, du fait qu’il pleut régulièrement et que le printemps se réveille ! Elle me rappelle mon enfance avec cet ail des ours à perte de vue et son « stang » si beau, que j’aime partager. L’histoire qui suit est donc une nouvelle histoire, qui se déroule en 3 jours de pêche, avec plusieurs acteurs, tous souhaitant ardemment prendre le roi des poissons : un saumon !

Le Léguer est en ordre en ce début d’année !

Celle-ci commence, comme ma précédente histoire https://celticfishing.com/guide-peche-saumon-bretagne/ , en novembre de l’année dernière. Anaïs souhaite offrir à son conjoint Léo, une à deux journées de pêche au saumon. Comme souvent, lorsqu’il est question de saumon, elle me dit que c’est l’un des plus grands rêves de Léo que d’en prendre un. On parle au téléphone de l’époque de leur venue future, au mois de mars ou d’avril, et l’on se met d’accord pour 2 journées de guidage fin mars. Une journée pour apprendre, et l’autre journée pour vraiment optimiser les chances de Léo.

Revenons maintenant plus près du début de l’histoire. Le weekend dernier : le samedi, je guide 2 personnes, et le dimanche et le lundi, j’accompagne Léo. Les 2 premiers acteurs, ont un rôle important dans le début de cette narration. Je les guide sur un de mes spots préférés dès le matin. Ce sont de bons pêcheurs, qui apprennent et arrivent rapidement au niveau de pêche que je cherche à enseigner. On pêche une succession de pools, et en revenant, on s’arrête là où il peut y avoir encore un espoir. Il est 11 h du matin, et sur un pool connu, on me demande « s’il y a bien une pierre à cet endroit ». Je réponds par l’affirmative, mais en y réfléchissant, je trouve la question « étrange ». Oui, il y a bien une pierre, mais pas grosse, et on ne peut la toucher par ce niveau d’eau. Et là, en parlant, il me dit qu’il s’est fait arrêter, comme « pris au fond ». Ok, je réponds, c’est un saumon. Je lis dans son regard, et je vois qu’il n’est pas convaincu. Après de multiples essais, avec différentes techniques (et l’aide d’un autre pêcheur arrivé entre-temps, que je remercie d’ailleurs pour son coup de main), j’acquiers la certitude que c’est un saumon. Mais il ne veut pas mordre, et l’heure passée à le titiller ne changera rien. Je garde ça dans un coin de ma tête, on ne sait jamais, ça peut servir pour Léo que je guide les 2 jours suivants. Nous finissons la journée de samedi, fatigué et sans saumon, mais en ayant la certitude du travail bien accompli. Nous avons bien pêché, et ces 2 personnes iront le lendemain (sans moi donc, c’est à ça que sert le guidage après tout) en essayant de mettre au bout ce poisson, sans réussite.

Et pour cause, il a tellement plu dans la soirée et dans la nuit, que la rivière est « impêchable ».  Je rencontre Léo et Anaïs le lendemain matin, et leur explique que le Léguer n’est pas « en ordre » avant le lendemain. Qu’à cela ne tienne, on va de ce fait dans une petite rivière, et Léo apprend à pêcher le saumon. En tout dans la journée, on ne voit pas grand-chose à part quelques truites, et un beau remous suspect tout de même derrière son leurre en début d’après-midi. Il y a peut-être un saumon à cet endroit, mais il ne prend pas. La journée a été constructive, et Léo me dit qu’il a appris de nombreuses choses, et que la nuit fera du bien. Il est crevé, et pour cause, se mettre à une nouvelle pêche (il est pêcheur de bar du bord, près de la Rochelle), est fatiguant, car cela demande une grande concentration, encore plus en petite rivière !

Les truites sont belles, mais pour l’instant, pas de saumon…

Le lundi arrive, et je décide d’aller tôt, dès le matin, sur le pool où on a détecté un saumon le samedi. J’explique à Léo – qui n’est pas bien réveillé, comme moi d’ailleurs – comment pêcher un haut-fond, puis on descend à la fameuse pierre, que j’appelle la pierre à « José », parce qu’il est le premier à cet endroit à qui j’ai fait prendre un saumon de printemps il y a quelques années. José est maintenant mon ami, et je lui laisse toujours « sa pierre » quand il vient me rendre visite sur la rivière.

L’aparté mit de côté, j’explique à Léo comment pêcher la fameuse pierre, met le bon leurre et le laisse pêcher. Survient le 3ème lancer à cet endroit, le leurre évolue au bon endroit, dans la bonne couche d’eau. Je sais que Léo à une petite chance de toucher ce saumon, puisque le jour précédent, il a dû être énervé par le niveau d’eau qui a monté, puis redescendu. Mais il n’est peut-être tout simplement plus là…

Faire pêcher près des grosses pierres et petites pierres invisibles où sont les saumons, c’est ça mon job !

J’entends pourtant et presque imperceptiblement un « poisson », j’arrive au niveau de Léo, et je vois la canne un peu cintrée, et dit tout de suite à l’acteur de la journée, de mouliner plus vite. Le poisson, que l’on ne voit pas, revient en effet très vite sous le scion. Je sais que c’est le moment clé. C’est le moment où le saumon peut se décrocher. Lorsqu’il décide de faire ça, le saumon est souvent mal pris, et sous le pêcheur, c’est l’angle le plus facile pour le poisson de se décrocher. Mais non, tout va bien, et Léo suit mes consignes. Après 2 minutes et de petits rushs, toujours pas de rayon argenté surgissant. On ne sait même pas s’il est bien pris. Puis d’un coup, le poisson part en furie, et fait un très gros remous à 10 m de nous. Là, Léo réalise qu’il a le poisson de sa vie, et la peur de véritablement le perdre prend petit à petit place dans son esprit. Je sais tout ça en le regardant, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas serein. Son rêve est là tout proche, mais pour l’instant, le saumon ne se rend pas, et il revient avec lourdeur. Il y a un tout petit créneau pour le mettre à l’épuisette que je présente, mais je dis à Léo qu’il est peu probable que j’y arrive.

En effet, le poisson la voit, et repart de plus belle en sautant. Là, on l’a très bien vu, il est massif, et Léo est en train d’halluciner. Je reste debout pour 2, et donne des consignes courtes et précises. Le saumon revient, je sais qu’il n’est pas fatigué, mais je sais également qu’il faut écourter le combat au maximum. Je plaque l’épuisette contre le bord de l’eau sans bruit, et attends le bon moment. Le triple est mal pris, je sais qu’il y a une chance pour que le filet de l’épuisette se prenne dedans. Et là, je vois le bon créneau, et décide d’y aller. Il faut parfois faire un coup de poker au saumon, et j’en ai fait quelques-uns depuis mes 10 saisons passées comme guide. Je prends le saumon par le milieu, fait rentrer le ventre et le dos, puis en même temps avec un coup de poignet bien dosé, la tête et la queue en même temps. Il ne faut jamais faire ça, mais chaque pêcheur sait qu’il y a quelquefois une exception à la règle si l’on veut que l’histoire se termine bien ! Et ça marche. On crie de joie et de bonheur. Je dis à Léo, que c’est bon, il a le poisson de sa vie entre ses mains !

Un nouveau pêcheur de saumon est né !

On pêchera en dilettante tout le reste de la journée, et en y repensant, il me dit qu’en tout, il n’avait fait que 10 lancers dans la rivière avant la fameuse touche. On en rit !  Puis, on rejoindra sa compagne en fin d’après-midi. Léo lui fait la surprise, et lui montre le poisson en vrai et en photo.

Les pierres sont là, invisibles… mais maintenant que le saumon est pris, on pêche est à la cool !

Je termine cette histoire, en remerciant tous les acteurs, et bien sûr ma rivière ! J’ai pris autant de plaisir que Léo, et quand je vois sa joie communicative, quel bonheur ! Oui, une histoire de pêche au saumon, ça se mérite, et surtout après coup… ça se raconte !